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La Nuit des tournesols de Jorge Sánchez-Cabezudo Noir total
Un champ de tournesols. Un homme, là-bas, qui s'enfuit, et la caméra qui plonge dans le noir. Il n'en faut pas davantage pour installer l'atmosphère. Noir total. La radio ne tarde pas à propager la nouvelle, d'ailleurs : là, dans cette région rurale des Pyrénées espagnoles que les jeunes quittent les uns après les autres, près de l'un de ces villages basques ou navarrais perdus à flanc de montagne, une femme vient d'être sauvagement assassinée. Lorsque Esteban débarque “de la ville” pour aller reconnaître une grotte découverte par hasard par le jeune Beni, ça n'est encore qu'un fait divers comme un autre. Mais lorsqu'à son tour, sa compagne Gabi est sauvagement agressée, tout bascule en l'espace de quelques heures. Et ce qui n'était au départ qu'une simple expédition spéléologique dans un coin paumé prend, par une conjonction malheureuse de hasards, une toute autre tournure. Ce que résume d'ailleurs assez précisément l'un des personnages : “une putain de malchance”. Le film de Jorge Sánchez-Cabezudo, découpé en 6 chapitres, ne suit pas une narration linéaire. Chaque nouvelle partie s'attache en effet à un regard, un point de vue, et offre une parcelle subjective et forcément incomplète de l'ensemble de la sinistre tragédie. Si bien que ce qui pouvait n'être d'abord qu'un simple artifice narratologique somme toute assez récurrent dans la littérature comme dans le cinéma, s'avère ici une trouvaille judicieuse pour faire sauter le vernis des faux-semblants qui policent les relations sociales. Campagnards censément plus rudes, citadins faussement raffinés… Le jeu sur les plans, les décalages optiques enrichissent l'intrigue en même temps qu'ils densifient la psychologie des personnages. Contre tout manichéisme, on voit alors affleurer des motivations autrement plus basses pour légitimer l'horrible et l'innommable, et tout le monde trouve sa place au bal de la cruauté. Car dans La Nuit des tournesols, l'enfer est loin de n'être pavé que de bonnes intentions. “Ce n'est pas un film sur la notion de bien et de mal. Le film parle de personnages très humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, de ceux d'entre eux qui pensent suivre de hauts principes moraux, mais se retrouvent à excuser un comportement méprisable. Ce film ne cherche pas à les justifier ou à les juger, il ne se veut pas moralisateur”, avertit le réalisateur. C'est vrai, la nuit, même les tournesols baissent la tête. Fort d'une distribution tout à fait remarquable (en tête de laquelle Carmelo Gómez, qu'on a souvent vu chez Julio Medem, et surtout la très belle Judith Diakhate, dont c'est le troisième long-métrage), le film, polar “rural” constamment baigné dans un climat de suspicion générale et d'inavouables secrets, ne manque pas d'atouts (meilleur film, meilleure musique et prix du public au festival Miami 2007, avant d'être primé à Cognac). On lui passera donc d'autant plus aisément certaines longueurs, et un scénario qui aurait sans doute pu mieux tirer parti des choix narratifs et de l'imbrication des séquences pour renforcer le suspense. Après plusieurs courts-métrages remarqués, Jorge Sánchez-Cabezudo signe là son premier long en tant que scénariste et réalisateur. Et c'est peu dire que le noir lui va bien.
Dans un petit village perdu au cœur des Pyrénées espagnoles, un meurtre puis une sauvage tentative de viol déchaînent les pulsions violentes de quelques hommes assoiffés de vengeance, et les entraînent dans une sanglante série d'erreurs en cascade, sur fond de petites haines rentrées et de lâchetés ordinaires. Premier long métrage du réalisateur espagnol Jorge Sánchez-Cabezudo, La Nuit des tournesols, prix “Sang neuf” de la dernière édition du festival de Cognac, déroule un polar vraiment prenant et intelligemment construit.
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