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La Boite Alerte Frédéric Aribit
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B L O G
La Question humaine de Nicolas Klotz
De Ressources humaines de Laurent Cantet (1999), à Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout (2003), sans parler d'un Ken Loach ou de nombreux documentaires (Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés), les réalisateurs ne craignent plus de braquer leurs caméras sur l'âpre réalité du travail. Nicolas Klotz et la scénariste Elizabeth Perceval, dans leur approche de la “question”, n'ont pas choisi la facilité. C'est que la question du travail, justement, est de celles qui font mal. Question : du latin quaestio, “enquête avec torture”, “torture infligée pour obtenir des aveux”. Travail : du latin tripalium, “instrument de torture composé de trois pieux”. Les mots, comme on voit, ne mentent pas. Or le film, précisément, est d'abord une histoire de mots. Janvier 2000. Nicolas Klotz entend à la radio l'auteur François Emmanuel parler de son nouveau livre, La Question humaine. L'émotion est intense. Si bien qu'il se rue dans une librairie pour acheter l'ouvrage, mais inquiet, préfère le donner à lire à Elizabeth Perceval. “J'étais tellement remué par ce que je venais d'entendre que j'avais peur d'être déçu.” Longtemps qu'ils travaillent ensemble, ces deux-là, au cinéma (La Nuit bengali d'après Mircea Eliade, ou La Nuit sacrée d'après Tahar Ben Jelloun) comme au théâtre (Koltès, Müller, Nancy…). La confiance est totale. Et Elizabeth Perceval comprend immédiatement ce qui a pu bouleverser Nicolas Klotz dans cette histoire, qui s'insinue douloureusement à l'intersection exacte de son histoire personnelle et de notre histoire collective, et qui prolonge ainsi un questionnement en travail depuis longtemps entre eux deux. Comment saisir l'extrême contemporain tout en conservant, arrière-plan décisif, la caisse de résonance de l'histoire ? Au présent : le décervelage et la dépersonnalisation d'un néolibéralisme aux mains propres. Dans l'histoire : la Shoah, “l'un des actes fondateurs de la modernité”, qui a “révélé la part maudite de la société industrielle”, dit Nicolas Klotz. Champ, contre-champ : la vie est bien affaire de cinéma. Partant de cette cruelle mise en parallèle, qu'on peut trouver radicale, La Question humaine suit l'enquête de Simon (Mathieu Amalric, parfait, encore parfait), qui se déroule comme une expérience hallucinatoire où le présent est sans cesse parasité par ce passé qui ne passe pas. Et ce sont alors toutes les formes actuelles, “propres” ou pas, de domination et d'éradication de l'autre qui se télescopent, en un sens du montage qui n'est pas sans évoquer Godard : de l'instrumentalisation d'un nouveau langage techniciste savamment expurgé de toute expression sensible (Annie Le Brun parle pour sa part de “retournement du langage” dans son formidable essai Du trop de réalité) à cette permanente chasse à l'homme, au non-rentable, au clandestin, au sans-papier, qui est la sinistre voix-off de notre quotidien. Il y a certes des amalgames éloquents. On ne peut cependant s'empêcher de penser que le film, d'un bleu glaçant (tout aussi glaçante, la justesse “inhumaine” de Jean-Pierre Kalfon), verse parfois dans un manichéisme regrettable, et néglige de prendre en compte toute la complexité des problèmes qu'il confronte. Pas toujours évident, dès lors, de suivre les méandres narratifs qui superposent les réalités jusqu'à l'enchevêtrement. A l'immense entreprise de normalisation et de neutralisation que le film veut dénoncer comme la résurgence d'un fascisme ordinaire, s'opposent plusieurs séquences qui montrent, au contraire, comment quelques ultimes sauvages, sortes de derniers mohicans des temps modernes, s'évertuent à explorer le spectre infini de la sensibilité humaine par le biais de l'expression artistique. Et c'est un long cri flamenco de huit minutes, c'est un fado suave, une danse esquissée, un tour de magie qu'on improvise, c'est un tableau soudain qui se compose à l'écran, ou le désir immédiat d'une femme. C'est la musique surtout, cette parole d'avant les mots et qui s'adresse à tout le corps, musique qui irrigue le film de bout en bout, de Schubert à Syd Matters : autant de déraisons exactement inverses à la logique d'entreprise ou à la raison d'état, et où Simon se perd parfois lors de quelques nuits de débauche. Et puis, bien sûr, mise en abyme sans doute de son propre propos, il reste aussi le cinéma, fragile îlot de liberté que Nicolas Klotz et Elizabeth Perceval opposent sans concession à l'amer constat du quotidien. Soit dit avec eux dans cet aberrant vocabulaire d'entreprise que leur film, finalement plus optimiste qu'on aurait cru, dénonce sans appel : prenons garde, car le “facteur humain”… sonne toujours deux fois. (voir aussi sur excessif.com)
La vie de Simon, psychologue au département des ressources humaines d'un grand complexe pétrochimique, bascule le jour où sa direction allemande lui confie la délicate mission d'enquêter sur un de ses supérieurs. Lui, jusque-là rouage appliqué et consciencieux de cette grande machine industrielle, est tout à coup en proie à d'horribles doutes quant à la finalité exacte de sa fonction dans le système. Douloureusement travaillé par les remugles de l'holocauste juif qui imprègnent son quotidien comme un sinistre refoulé, il retrouve peu à peu, dans la barbarie ordinaire d'un monde déshumanisé, l'insoutenable angoisse de tous ceux qui osent encore poser - et se poser, la “question humaine”.
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